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Femmes et monde du travail

Femmes et monde du travail au 19e siècle

Deux enfants travaillant dans une fabrique de textile

À partir des années 1860, le Québec et le Canada commencent à s’industrialiser et vivent de profondes transformations sociales. Nombreux sont les habitants qui quittent les campagnes pour la ville, ce qui n’est pas sans provoquer des divisions socioéconomiques qui affectent principalement la classe ouvrière.

Les manufactures emploient une main-d’œuvre abondante selon des conditions de travail déplorables : salaires dérisoires, longues journées, semaines éreintantes, risques élevés d’accidents. Les usines et les quartiers ouvriers ─ qui ont été construits rapidement ─ sont surpeuplés et insalubres. Les ouvriers peuvent perdre leur travail s’ils sont malades ou victimes d’un accident de travail. À cette époque, il n’y a aucune norme de sécurité au travail… et aucune sécurité d’emploi !

Cette main-d’œuvre nombreuse et peu qualifiée est composée en bonne partie de femmes et d’enfants, car leurs salaires sont plus bas. Dans les années 1880, un ouvrier peut toucher de 6 $ à 18 $ par semaine, selon ses qualifications, tandis que les femmes ne perçoivent que 4 $ à 7,50 $ et parfois moins.

La situation des enfants est pire, particulièrement celle des filles. Ainsi, les enfants de 8 à 10 ans obtiennent environ le quart du salaire d’un homme. Malheureusement, femmes et enfants ne peuvent réclamer davantage sans être congédiés car la main-d’œuvre ne manque pas1.

L’Acte des manufactures

En 1885, le gouvernement québécois intervient timidement pour encadrer les pratiques en usine.

L’Assemblée législative adopte L’Acte des manufactures de Québec qui instaure les premières normes concernant l’entretien des locaux de travail, l’âge et les heures de travail. Des inspecteurs sont nommés pour faciliter sa mise en œuvre.

Au-delà du salaire, la discrimination des femmes sur le marché du travail est visible sur plusieurs autres aspects. On les retrouve ainsi très majoritairement dans des emplois pauvrement rémunérés et exercés dans les pires conditions. Les premiers syndicats empêchent les femmes d’accéder à certains emplois : comme elles sont moins bien payées que les hommes pour un même emploi, elles nuisent à l’embauche de ces derniers. Enfin, une discrimination persiste parce que les femmes célibataires sont favorisées pour certains emplois « réservés » aux femmes, par exemple, comme domestiques2.

Cependant, malgré ces inégalités et mauvaises conditions, plusieurs femmes optent pour le travail en usine plutôt que d’être domestiques. C’est ainsi que Montréal vit une crise du service domestique vers le milieu du 19e siècle, les familles bourgeoises embauchant de la main-d’œuvre jusqu’en Grande-Bretagne en raison de la pénurie locale3.

Les filles travaillent habituellement jusqu’au moment de leur mariage. Certaines persistent à occuper des emplois domestiques, mais la majorité d’entre elles sont ouvrières, vendeuses ou employées de bureau.

Les femmes mariées représentent une faible proportion de la main-d’œuvre féminine. Elles travaillent souvent à domicile, par exemple comme couturières : elles assemblent les tissus qui ont été taillés à l’usine. Elles peuvent également effectuer quelques autres travaux rémunérés, comme du blanchissage ou du ménage4.

Des organisations caritatives et des associations philanthropiques sont créées pour répondre aux lacunes sociales engendrées par l’industrialisation. Ces associations sont surtout constituées de femmes, qui agissent en surplus de leurs rôles traditionnels de mères et d’épouses. Or, leur action sociale est limitée puisque le Code civil les prive du droit de vote et les considère comme mineures5.

La situation des femmes dans le monde du travail est donc loin d’être  reluisante au 19e siècle. Il faudra attendre encore quelques décennies avant que leur situation devienne un enjeu social majeur et qu’il soit débattu à l’Assemblée législative du Québec. Il y aura, par la suite, une intensification progressive de la législation visant l’amélioration des conditions de travail des femmes.

De 1900 à 1960 : un traitement injuste pour les femmes et les enfants

Le début du 20e siècle voit apparaître de nouveaux métiers dits « féminins » comme celui de secrétaire et de téléphoniste. Ils s’ajoutent à ceux qui sont les plus courants : institutrices, ouvrières dans les manufactures de textile, de chaussures et de tabac et, bien entendu, aux vocations de religieuses.                                     

Les plaintes grandissantes liées aux mauvaises conditions générales de travail des femmes et des enfants incitent le gouvernement du Québec à réagir. En 1910, une loi est votée pour réduire la semaine de travail de 60 à 58 heures, avec un maximum de 10 ½ heures par jour, en plus d'un congé le samedi après-midi. Il est aussi désormais interdit d'employer des enfants de 14 à 16 ans sans preuve qu’ils sachent lire et écrire6.

La Première Guerre mondiale et la Grande crise

Portrait de Florence Owens Thompson avec ses trois enfants.Portrait de Louis-Alexandre Taschereau.

Si la Première Guerre mondiale (1914-1918) permet à des milliers de femmes d’entrer sur le marché du travail, la Crise économique de 1929 les frappe durement : chômage, baisses de salaires, difficulté à se marier et à loger sa famille, carences alimentaires, etc.

Plusieurs femmes cherchent à augmenter le revenu familial pour compenser la perte de l’emploi de leur époux. Cet afflux de main-d’œuvre féminine dans un marché du travail très difficile les contraint à accepter des emplois sous-payés ou à trouver d’autres moyens pour joindre les deux bouts : travaux de couture ou lavages à la maison, location de chambres à des pensionnaires, recherche d’un logement moins cher. Bon nombre d’entre elles créent des associations de soutien aux chômeurs et aux femmes nécessiteuses7.

La présence des femmes sur le marché du travail n’est pas toujours bien perçue. C’est en tout cas l’avis de Joseph-Achille Francœur, député libéral de Montréal-Dorion qui, en 1931, entend combattre « l’envahissement progressif du travail féminin » qui ne fait qu’augmenter le chômage chez les hommes.

Quatre ans plus tard, Francœur récidive en voulant faire adopter un projet de loi incitant les patrons à engager de préférence « femmes ou filles qui auront prouvé leur nécessité de travailler » grâce à un certificat signé par le curé, le maire ou un échevin.

Après un débat houleux en Chambre, le premier ministre Louis-Alexandre Taschereau rejette l’initiative de Francœur en déclarant :

Pour ma part, je crois que la femme a droit de penser à demain, qu’elle a le droit d’assurer son avenir, qu’elle a le droit d’apprendre un métier ou une profession qui lui permettra de se tirer d’affaires si son père vient à disparaître, qui lui permettra de faire instruire ses petits frères ou ses petites sœurs, d’aider leurs parents dans leur vieil âge. Je ne vois pas de quel droit nous refuserions à la femme la liberté de travailler, de marcher la tête haute dans la société, de gagner sa vie8.

Les femmes pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945)

Image de travailleuses inspectant des obus pendant la guerre.Publicité pour inciter les femmes à participer à l'effort de guerre

La Seconde Guerre mondiale (1939-1945) règle le grave problème du chômage qui a sévi durant toute la décennie 1930. Il y a même pénurie de main-d’œuvre au Québec puisque des dizaines de milliers d'hommes se sont enrôlés dans l’armée. Les femmes prennent leur relève presque partout, notamment dans les usines de munitions et de matériel militaire.

Elles gèrent également la ferme familiale et approvisionnent la population locale et les forces armées, le tout en surplus de leurs tâches domestiques. Quelques-unes vont jusqu’à s’enrôler dans l’armée : elles y travaillent comme infirmières, mais également comme médecins, machinistes, mécaniciennes ou secrétaires9.

De façon générale, les emplois auxquels les femmes ont désormais accès sont plus variés et offrent de meilleurs salaires et conditions de travail.

En 1942, le gouvernement fédéral dirigé par William Lyon Mackenzie King adopte d’ailleurs une loi favorisant la mobilisation des femmes dans l’industrie de guerre.

Or, cette loi et la présence accrue des femmes ne font pas l’unanimité. Le Parlement de Québec, par exemple, adopte une motion unanime protestant contre l’initiative du gouvernement King. En Chambre, le député Joseph-Albiny Paquette, qui propose la motion, s’inquiète du fait que l’émancipation des femmes conduise à « la destruction de l’âme familiale »10. Il en est de même chez les autorités religieuses et certains milieux plus conservateurs.

Afin de faciliter l’accès des femmes au travail, le gouvernement d’Adélard Godbout met sur pied quelques garderies publiques en milieu de travail. Évidemment, cette mesure inquiète certains élus québécois. Sans être contre, le député Paquette préfère que la société encourage les femmes à rester au foyer. Selon lui, « ces garderies ne peuvent empêcher la dislocation de la famille et mettent en danger l’une de nos institutions ancestrales, la vie au foyer, animée de l’esprit de famille, un des bastions les plus solides de notre survivance »11.

La guerre est finie. Retournez à la maison !

Toutefois, la guerre terminée, les femmes sont fortement encouragées à retourner à la maison.

Mais l’avènement de la société de consommation des années 50 fait exploser le secteur des services et attire une main-d’œuvre féminine habituée aux avantages et à l’autonomie d’un travail rémunéré durant la guerre.

La première moitié du 20e siècle est donc marquée par l’émergence du travail féminin à l’extérieur de la sphère domestique. Les femmes sont ainsi de plus en plus nombreuses à jouer un rôle économique significatif dans la société québécoise.

Les années 60 : de grands changements

À l’aube de la Révolution tranquille, une ère de changements s'annonce pour les Québécoises.

Par exemple, en 1958, Jean Lesage, nouveau chef du Parti libéral, s’engage à établir une commission des relations ouvrières chargée de doter les travailleurs et les employeurs d’un code régissant leurs droits et devoirs. Dans une poussée résolument progressiste pour l’époque, le futur premier ministre se montre même favorable à l’équité salariale entre les hommes et les femmes12.

Mais ces intentions politiques n’ont que peu d’impact dans le monde du travail. Dans les années 60, les femmes sont largement absentes des postes de pouvoir, sauf dans les institutions gérées par des communautés de religieuses. Même là, le déclin de la religion et la laïcisation des institutions valent aux directrices d’écoles ou d’hôpitaux de perdre leur emploi pour laisser place aux hommes13.

Renversement des tendances

Au début des années 1970, la présence des femmes sur le marché du travail augmente à la suite des gains politiques et juridiques obtenus par les organisations féminines et l’amélioration générale des conditions de travail.

Ainsi, en 1971, les femmes sont trois fois plus nombreuses qu’en 1941 à travailler à l’extérieur de la maison14. Par contre, le revenu moyen d’un homme est encore près du double de celui d’une femme.

Elles sont également toujours plus nombreuses à fréquenter l’université.

Leur présence s’affirme également dans les postes professionnels. Elles sont nettement majoritaires dans les secteurs de l’enseignement, de la santé, des services sociaux et de l’administration. Les femmes occupent aussi des emplois dans des milieux traditionnellement masculins, bien qu’elles soient encore sous-représentées dans les emplois de cadres15.

Graphique représentant la présence féminine sur le marché du travail.

La Loi sur l’équité salariale

Signe des temps, le gouvernement de René Lévesque crée en 1979 le poste de ministre délégué(e) à la Condition féminine et met sur pied le Secrétariat à la condition féminine.

En établissant une concertation entre les organisations liées à la condition féminine, le gouvernement peut mener des initiatives cohérentes en proposant des réformes législatives qui tiennent compte de la réalité des femmes, notamment sur le marché du travail. Pour réduire l’écart entre les conditions salariales, l’Assemblée nationale joue un rôle important en adoptant des mesures comme la Loi sur l’équité salariale (1996)16.

Malgré ces initiatives, la parité hommes et femmes sur le marché du travail n’est pas atteinte sur tous les plans. Les femmes occupent davantage des emplois à statut précaire ou à temps partiel. Certaines sont encore discriminées parce qu’elles sont plus susceptibles de s’absenter pour des raisons familiales. Quant au salaire moyen, les femmes sont toujours moins payées à travail égal que les hommes (environ 12% de moins au Canada). Cet écart tend cependant à s’atténuer17.

Depuis 1960, la présence grandissante des femmes sur le marché du travail a donc profondément transformé la société québécoise : égalité juridique, vie professionnelle, accès aux études, natalité, partage des tâches domestiques, conciliation travail-famille, etc.

À bien des égards, le rôle des femmes est prépondérant et leurs revendications contribuent à définir un nouveau contrat social.

Articles sur l'équité salariale:

1 Paul-André Linteau, Histoire de Montréal depuis la Confédération, Montréal, Boréal, 2000, p. 95-96.

2 Micheline Dumont, « L'histoire des femmes (lll) Le travail salarié des femmes », Traces, vol. 28, no 2, mars-avril 1990, p. 30.

3 P.-A. Linteau, op. cit., p. 63.

4 Ibid., p. 97-98.

5 Christophe Horguelin et al, Fresques; Histoire et éducation à la citoyenneté, 2e cycle du secondaire 2e année, Manuel de l’élève, tome 2, Montréal, Chenelière Éducation, 2009, p. 51.

6 René Castonguay, Introduction historique ; 12e législature, 2e session (15 mars 1910 au 4 juin 1910), Québec, Assemblée nationale.

7 P.-A. Linteau, op. cit., p. 380-381; Collectif Clio, L’histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles, Montréal, Le Jour, 1992, p. 272-274.

8 Christian Blais, Introduction historique; 18e législature, 4e session  (8 janvier 1935 au 18 mai 1935), Québec, Assemblée nationale.

9 Gouvernement du Canada, « Le Canada se souvient du rôle joué par les femmes sur le front intérieur », http://www.veterans.gc.ca/fra/

10  Nicholas Toupin, Introduction historique ; 21e législature, 3e session  (24 février 1942 au 29 mai 1942), Québec, Assemblée nationale.

11  Stéphane Savard, Introduction historique ; 21e législature, 5e session (18 janvier 1944 au 3 juin 1944), Québec, Assemblée nationale.

12 Jules Racine St-Jacques,  Introduction historique ; 25e législature, 3e session  (19 novembre 1958 au 5 mars 1959), Québec, Assemblée nationale.

13 P.-A. Linteau, op. cit., p. 484.

14 Musée québécois de la culture populaire, « Les femmes à l’assaut du monde du travail », http://larevolutiontranquille.ca/fr/

15 Simon Langlois, « Le travail salarié des femmes change la société », Contact, 7 mars 2013. http://www.contact.ulaval.ca/article_blogue/le-travail-salarie-des-femmes-change-la-societe/

16  Loi sur l’équité salariale (chapitre E-12.001), article 1.

17  « Équité salariale - Les hommes gagnent encore 12 % de plus que les femmes », Le Devoir, 8 mars 2011; « L’écart salarial hommes-femmes est en baisse », Le Devoir, 7 mai 2012.

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